M. Bellon, N. Leriche, A. Gorostiza, A. Gandon, B. Minot, F. Pilon
THÉÂTRE SANS INTERDIT
Les moeurs évoluent selon les siècles. Les modes d'expression aussi. Le cinéma s'est depuis longtemps libéré de tout interdit. Plus de tabous, ou presque. Le théâtre lui aussi remue, change, ose... C'est ce que l'on peut constater dans "Grand'peur et misère du IIIe Reich" ; pièce au sujet fort, au sujet troublant : la peur, la misère, le nazisme...
Nous entendons ici des mots durs et troublants : la mort, les camps, le commencement d'un génocide, la montée en puissance d'un dictateur sont évoqués ouvertement. Nous entrons dans un monde froid où règne le plus fort.
Le décor, la musique et la mise en scène : tout participe à cette impression de précarité. Les mots sont forts et un narrateur lisant les didascalies renforce le ton d'une scène. Malgré la diversité des situations, nous pouvons ressentir une continuité par des motifs récurrents : la danse, la marche militaire...
Les acteurs ne nous cachent rien, les changements de costumes ont lieu sur scène. Ils iront même jusqu'à proclamer leur refus, nus sur scène.
Choquant, provocateur? Peut-être que certains penseront oui. Mais d'autres déjà, ne peuvent retenir à la fermeture du rideau une vive exclamation : " C'est beau ".
Sophie VERROEST
Sadreddin Zahed et sa troupeRépétition au théâtre Renaudie(Aubervilliers)
Ouest-France
Mardi 18 avril 1995
Le Festival des Arlequins à Cholet fait triompher la francophonie
Le neuvième festival des Arlequins s'est terminé samedi soir : Les deux autres pièces de la sélection finale ont également été très appréciées du public choletais. Il s'agit de "ça déménage", une création collective et de "Grand'peur et misère du IIIe Reich", pièce de Bertold Brecht interprétée par la troupe parisienne " Le Théâtre D-Nué ".
" La qualité des cinq pièces sélectionnées me fait penser que les autres étaient drôlement bien ", soulignait Geneviéve Page, présidente du jury du gala final.
Chair de poule
Le comédien Jacques Rosny n'a pas oublié de féliciter les autres troupes. Celles qui, finalistes, n'ont pas eu la chance de décrocher un arlequin : "Au théâtre, il n'y a pas de bonheur quand il y a des exclus". Ces deux troupes sont la compagnie Fréderick Lemaître "ça déménage", et Le Théâtre D-Nué pour son interprétation de " Grand'peur et misère du IIIe Reich ", une pièce de Bertold Brecht.
Beaucoup de spectateurs ont d'ailleurs été surpris que Le Théâtre D-Nué n'ait pas figuré dans la liste des trois lauréats. La force du texte, l'originalité de l'interprétation ont beaucoup impressionné les Choletais. " Moi, j'en ai encore la chair de poule. C'était mon coup de coeur ", confiait un habitué du festival. En coulisses, Sadreddin Zahed, metteur en scène, ne pouvait retenir ses larmes. Le théâtre est parfois un art cruel.
Michel CAILLARD
Le Courrier de l'oues
Mardi 18 avril 1995
Pourquoi Brecht n'a pas eu d'Arlequin
Certains spectateurs se sont étonnés de ne pas voir au palmarès "Grand'peur et misère du IIIe Reich" de Brecht, adapté par les Parisiens du " Théâtre D-Nué ".
Le fait d'avoir choisi une adaptation a, dès le départ, quelque peu "handicapé" la troupe. Il suffit de regarder le palmarès - deux créations aux deux premières places - pour s'en convaincre. "Je pense qu'il est plus difficile de faire une création que de prendre un classique". Assure Jacques Rosny.
Mais la raison essentielle de cette déconvenue ne réside pas là, selon le vice-président du jury. " La pièce originale a été déviée, elle est plus multiple. Elle dresse le tableau des responsabilités de la montée du nazisme. Et d'où viennent elles ces responsabilités? Elle viennent de tous. Brecht, il en veut aux braves bourgeois. C'est montré avec férocité mais aussi avec humour. L'adaptation qu'on a vue est trop orientée sur l'abominable image des camps de concentration. Le public a été ému mais nous on vient pour juger de l'ensemble d'un travail ".
La scène finale, où les acteurs sont nus? " J'ai trouvé cela époustouflant. L'image est bouleversante ", répond Jacques Rosny. A la décharge de la troupe, rappelons qu'elle a dû réduire à 50 minutes une pièce qui dure quelques deux heures et demie.
Le courrier de l'ouest
vendredi 21 avril 1995
Lors du gala final du Festival des Arlequins 95, l'opticien mutualiste de Cholet a organisé un jeu destiné au public dont le but consistait à désigner par vote les troupes lauréales qui se verraient attribuer respectivement les arlequins d'or, d'argent et de bronze. Le résultat du vote du public (différent de celui du jury officiel)se répartit ainsi.
Parmi 454 voix exprimées : 119 voix pour "Grand'peur et misère du IIIe Reich"; 102 voix pour " ça déménage"; 88 voix pour "Le ruban blanc"; 73 voix pour "Les ventriloques".
Anna-Maria Gorostiza, Blandine Minot
Le courrier de l'ouest
Vendredi 12 mai 1995
Au menu de notre chronique "En direct" cette semaine, une réflexion de la troupe parieienne du "Théâtre D-Nué", qui participa brillamment au dernier festival de théâtre de Cholet, mais qui chuta au dernier acte.
On se souvient que lors du gala final du Festival des Arlequins de Cholet, certains spectateurs s'étaient étonnés de ne pas voir au palmarès " Grand'peur et misère du IIIe Reich " de Brecht, adapté par les comédiens parisiens du "Théâtre D-Nué".
Jacque Rosny, vice-président du jury final des Arlequins 95, nous répondait alors : " je pense qu'il est plus difficile de faire une création que de prendre un classique (...) L'adaptation qu'on a vue est trop orientée sur l'abominable image des camps de concentration. Le public a été ému, mais nous on vient pour juger de l'ensemble d'un travail ". " quant à la scène finale, où tous les acteurs sont nus, j'ai trouvé cela époustouflant. L'image est bouleversante... " ( c.o. du 18 avril dernier).
Réflexion - réaction du " Théâtre D-Nué " : " Nous avons été très heureux de participer au Festival des Arlequins de Cholet; et nous acceptions la décision du Jury, puisque nous savions que le but du jeu était précisément d'être jugé par ce jury. Cependant puisqu'une question a été soulevée à notre sujet, dans le " Courrier de l'Ouest " du 18 avril dernier, nous apportons nous aussi notre point de vue aux étonnant arguments que le jury met en avantpour justifier son choix.
1) - N'importe quel connaisseur de théâtre sait que la difficulté pour réussir une pièce ne réside pas le choix d'une création ou d'un classique - si tant est que notre spectacle ait été perçu comme un classique! - mais dans le fait d'arriver à construire ce fil invisiblequi reliela scène à la salle, afin qu'une réelle communication s'établisse entre les comédiens et les spectateurs.
2) - La pièce de Brecht n'a pas été " déviée ". Nous avons privilégié un angle de vue. Nous ne pensions pas que le jury était là pour juger de l'oeuvre de Brecht en son entier mais de la réussite - ou de l'échec - d'une orientation volontaire dans un temps limité de 50 minutes... En effet avec seulement 6 scène jouées des 24 scènes de " Grand'peur et misère du IIIe Reiche ", le but du " Théâtre D-Nué " était justement de souligner " cette abominable image des camps de concentration ", d'où le choix du décor constitué d'un four crématoire installé au centre de la scène du début jusqu'à la fin. L'objectif de notre troupe était bel et bien d'interpeller les spectateurs sur la triste actualité de ce cauchmar... Pour notre part nous avons reçu notre récompense par le succès remporté au près du public de Cholet, par les félicitations des autres troups concurrentes et les articles parus dans la presse. " Le public a été ému " reconnaît le vice-président du jury, mais pauvre public qui ne sait pas juger, heureusement que le jury est là pour l'éduquer! "
Sarcastique aussi le "Théâtre D-Nué".
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