lundi 16 juin 2008

Une lettre sur " Cet Animal étrange "

Paris,le 2 juin 1991
Monsieur BOIS Michel
103,rue de la convention
75015 PARIS
Sur "Cet Animal étrange" de G. AROUT
mise en scène par Sadreddin ZAHED
au Théâtre de la Cité Universitaire


Bien que le conte allégorique fasse partie de l'imaginaire collectif, il passe difficilement la rampe. Est-ce un genre ressortissant aux seuls montreurs de marionnettes et destiné à m'émouvoir que des sensibilités enfantines? Certes, la capacité d'émerveillement du public moyen tend à s'émousser, mais la réussite ne dépend-elle pas plutôt du coup de patte du transmutant? Le ravissement dans lequel les spectateurs ( hélas ! trop peu nombreux) ont été plongés lors des représentations de " Cet Animal étrange " de G. AROUT mise en scène par Sadredin ZAHED, m'accrédite-t -il pas la seconde hypothèse? Pourquoi s. ZAHED réussit-il ici avec un rare bonheur, là où d'autres échouent? ( je pense entre autres à G. CAMBRELENG dans sa mise en scène, cette saison à la Galerie, de " A quoi rêvent les vieux enfants? " de R. DEMARCY . )


J'invoquerai deux arguments déterminants. Le premier concerne le texte qui doit interroger le plus objectivement les éléments profonds de l'homme et leurs manifestations quelles qu'elles soient. Le seconde porte sur les formes de sa transposition au théâtre qui doivent sauvegarder sa toute puissance onirique. Or, c'est souvent à ce niveau que le bât blesse, car si le texte est riche de virtualités, le représenté est toujours réducteur et l'alchimie du verbe peut être inopérante si la symbiose est incomplète.



Affiche : Malak KHAZAI



Alors que cet art tombe en désuétude en Occident, beaucoup plus préoccupé du faire et du paraître que de l'être , il perdure en Orient comme un type sacral de civilisation. C'est donc dans ce grand réservoir d'images que S.ZAHED va puiser. En effet, il n'y a pas de conte oral sans prés ence physique de conteur(s), de musicien(s) voire d'acolyte(s) et sans place publique : lieu de prédilection naturel pour l'exercice du narré. D'où sa symbolisation ( sur scène ) au moyen d'un tapis autour duquel les acteurs, assis en tailleur, vont alternativement jouer deux rôles : celui de spectateurs et celui d'actants qui, avec beaucoup d'ingéniosité et de naïveté, vont utiliser ante oculos (oculus) tous les accessoires requ is pour interpréter les différents tableaux. Leur enchaînement étant assuré musicalement par deux joueurs de Santur ( ou Santir ) et de flûte traversière. L'osmose entre le jeu des musiciens et celui des comédiens s'établit si intimement qu'elle finit par exercer un charme irrésistible, indéfinissable, baigné de lumières mordorées, brun profond et bleu noir tombant de l'arrière-plan. Cela présuppose une gestuelle en parfaite adéquation avec le signifié, un respect de la tessiture des voix, une troupe très homogène où tout vedettariat est exclu et où tout " sex-symbol " n'est pas de mise.


Mahmoud TABRIZIZADEH



Pareils à des bateleurs du grand Fleuve, les comédiens expriment dans une forme quasi-atemporelle la vie joyeuse, colorée, diverse et parfois inquiétante des profondeurs immuables de l'âme, redonnant derechef sens au vécu. Et l'on respire et l'on participe dans le sillage de leur vital élan rythmé aux évocations de tableaux d'une exposition de la condition humaine : des premières amours ..... à l'ultime échec.

Artefact persan garanti !

signature M. BOIS

P.S. Vendredi prochain, Madame BOIS Danielle y assistera avec une vingtaine d'élèves. Auriez-vous l'amabilité de leur consacrer quelques explications? Je vous en remercie par avance.

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